L.A Noire. Un nom qui rappellera certainement des souvenirs à tous les amateurs de polar tels que moi. En effet, il y a de cela 14 ans, le réalisateur Curtis Hanson mettait en scène Kim Basinger, Russell Crowe et Kevin Spacey dans l’adaptation du roman de James Ellroy, et accessoirement l’un des plus beaux hommages aux films noirs des années 1950. J’ai nommé, L.A Confidential.
Pourtant, c’est plutôt du côté de Brian De Palma que les similitudes apparaissent. Pas que le soft vous fasse jouer un Tony Montana de pixels, non. Mais comment ne pas comparer le somptueux Dahlia Noir, sorti en 2006, et le bien nommé L.A Noire ? « On en sait rien, on n’y a pas encore joué ! », me direz-vous d’un ton accusateur. Soit, je m’en vais donc vous en dire plus sur le titre de Team Bondi. Oui car contrairement à ce que beaucoup ont cru comprendre, Rockstar Games n’est pour l’occasion « que » l’éditeur, et non le développeur. Et vous allez voir que c’est autant pour le meilleur… Que pour le pire.
Nous sommes donc en 1947. Vous incarnez Cole Phelps, jeune officier du L.A.P.D (ou Los Angeles Police Department). Vous revenez de la guerre, et les nombreuses cinématiques narrant vos exploits contre les Japonais sont là pour vous le rappeler. L’action se déroule dans une cité des anges plus vraie que nature tandis que d’horribles crimes ont lieu un peu partout dans la ville. Et c’est justement là que vous entrez en scène. Vous débutez en tant que simple officier, mais vous ne tarderez pas à gravir les échelons tout au long de l’aventure. Pour faire simple, le système de hiérarchie est découpé en 4 brigades.
A la Circulation, vous devrez élucider des affaires mettant en scène des accidents de voiture, qui prendront une tournure bien plus profonde dès lors que vous fourrez votre nez dedans. A la Brigade Criminelle, votre coéquipier Rusty Galloway et vous-même tenterez d’élucider des affaires de meurtres, assez gores, il faut bien le préciser. A la Brigade des Mœurs, on vous parlera notamment d’enlèvements ou encore de drogués retrouvés morts. Enfin le jeu se terminera lorsque vous aurez assez enquêté au sein de la dernière brigade, celle des Incendies Criminels. Il est d’ailleurs assez troublant de voir que le gros du jeu, et surtout le plus intéressant, se déroulera pendant que vous êtes affilié à la Brigade Criminelle, c’est à dire en plein milieu du soft. Les autres enquêtes, même les toutes dernières, étant bien plus dispensables, mais néanmoins obligatoires pour avancer dans l’aventure.
« Trouvez-vous deux costumes et faites-les repasser »
Concrètement, comment ça se passe ? Et bien votre capitaine vous donne les détails de l’affaire, vous vous rendez sur les lieux du crime via un des nombreux véhicules présents dans la ville et vous analysez les indices trouvés sur place. Suite à quoi, vous interrogez les suspects et vous les inculpez, ou non. Voilà, en gros, le schéma type auquel vous allez être confronté durant tout le jeu, du début à la fin. C’est d’ailleurs l’un des plus gros défauts du titre : il est clairement répétitif, peu importe dans quel sens on le tourne. D’autant que, je vous le rappelle, ce n’est pas un GTA-like. Pas que ce soit un inconvénient en soi, non, mais comprenez par là que vous ne disposez d’aucune liberté que ce soit. Autrement dit, les seuls moments où l’on vous lâche un minimum la grappe, c’est lorsque vous conduisez. Soit, vous pouvez aller où bon vous semble. Seulement voilà, la ville n’est qu’un décor, vous n’aurez absolument rien à y faire. A l’instar d’un Heavy Rain ou encore d’un Mafia 2. Ne comptez donc pas aller sauvegarder en passant par une hypothétique planque, ou encore aller faire quelques missions secondaires avant d’aller manger un morceau. Le jeu ne vous propose « que » ces fameuses enquêtes, et c’est tout. Alors, oui, évidemment, c’est justement le sujet principal. Seulement ce qui renforce ce sentiment de passivité, c’est le fait que, malheureusement, vous êtes assistés dans 90% des actions du jeu.
Et là, force est de constater que le niveau de difficulté est pour le coup vraiment trop bas. Que vous désactiviez ou non les aides, le jeu n’a de cesse de vous aiguiller sur la marche à suivre. A tel point qu’on finit par se demander si le réel but de L.A Noire n’est pas de nous rendre spectateur d’une aventure qui n’a décidément pas besoin de nous pour suivre son cours. Par exemple, lorsque vous conduirez à travers les rues magnifiquement modélisées de Los Angeles, si vous êtes au volant d’une voiture de police, le Central peut faire appel à vous en vous demandant de vous rendre au plus vite sur les lieux d’un conflit. Cambriolage, prise d’otages, tentative de suicide… Nombreuses seront les situations. 40, pour être précis. Vous vous prenez donc à rêver d’une scène d’action où, enfin, la lenteur des recherches d’indices et autres interrogatoires disparaîtra. Loupé. Cole, votre personnage, fait quasiment tout à votre place. De l’escalade d’échelles à la visée automatique, en passant par le rechargement de votre arme, mais aussi le fait de monter dans un véhicule… Vous n’êtes acteur que dans 10% de ce genre d’actions. Notez d’ailleurs que ces scènettes se terminent toujours de la même manière, c’est à dire une cut-scene de 8 secondes montrant soit le légiste, soit Cole prévenant le Central de ce qui vient d’arriver.
Pour en finir avec les défauts du jeu, il est utile de souligner le ratage total dont est victime la technique du soft. Les bugs et les ralentissements sont incessants et il ne sera pas impossible de voir des passants voler dans les airs, des taxis sans portières, ou encore de se rendre compte que le temps et l’espace sont figés, alors que vous-même arrivez à marcher tout à fait normalement au sein d’une ville mise sur pause. Le clipping est également de la partie et ce, à tous les coins de rue. Sans oublier un aliasing assez violent sur les scènes de crimes et autres séquences « filmées » en gros plan.
Malgré cela, il faut avouer que le jeu possède également de grosses qualités. En tête de liste, notez que la bande-son est tout simplement grandiose. Des doublages frôlant la perfection en passant par les musiques d’ambiance nous rappelant Citizen Kane et Carmen San Diego, le rendu sonore fait preuve d’une maîtrise sans faille. Mais face à votre oreille, votre rétine ne sera pas en reste étant donné le génie avec lequel les graphismes ont été conçus. Les jeux d’ombres et de lumières sont splendides, et la pluie est admirablement bien reproduite. Et puis, comment ne pas évoquer le Motion Scan, la nouvelle technologie vidéoludique qui permet de retranscrire à la narine près les expressions faciales des protagonistes. Quel régal de les observer se mordre les lèvres lors des interrogatoires. C’est bien simple, on n’avait encore jamais atteint un tel seuil de réalisme depuis la création des jeux vidéo. Bluffant. Enfin, l’ambiance générale est un must du genre, pour peu que l’on soit fan des années 1940 évidemment.
La jouabilité, quant à elle, ne souffre d’aucun défaut majeur étant donné que, comme vous avez pu le lire plus haut, le personnage est tellement maniable qu’il fait quasiment tout de son propre chef. Difficile dans ce cas de faire des reproches à ce niveau-là. La manière de rechercher les indices et de les analyser est somme toute assez banale, on appuie sur Croix pour ramasser un objet puis on bouge le stick gauche pour le faire pivoter au cas où quelque chose d’intrigant serait annoté dessus. Le déroulement des interrogatoires, lui, est un peu plus chaotique. En effet, vous n’avez guère que trois touches à votre disposition : pressez Croix si vous pensez que le suspect dit vrai, Carré si vous doutez sérieusement de sa réponse mais que les preuves vous manquent, et Triangle pour l’accuser de menteur. En appuyant sur cette touche vous aurez alors obligation de prouver ce que vous avancez via votre carnet (touche Select), sous peine de passer sérieusement pour un bleu. Là où la tâche se montre un poil plus contraignante c’est lorsque vous ne savez quoi répondre. Il peut arriver, en effet, que vous sachiez parfaitement que le suspect ment, pourtant, dès lors que le jeu décide du contraire, vous obtiendrez obligatoirement une mauvaise appréciation. C’est ce genre de petites incohérences qui auront vite fait de vous énerver à maintes reprises, tout au long du soft.
En ce qui concerne la conduite, autant ne pas passer par quatre chemins, il va vous falloir un temps d’adaptation assez conséquent. Rien d’élitiste à la Gran Turismo 5, entendons-nous bien. Mais l’aspect savonnette incontrôlable en surprendra plus d’un. La tenue de route est en quelque sorte un mix entre celle de Mafia 2 et celle du Parrain 2. Pourtant, après quelques heures passées à arpenter le bitume de ce bon vieux L.A, force est de constater que la conduite se montre plutôt jouissive, l’habitude aidant. D’autant que le côté « bagnole capricieuse des années 1940 » est, lui, formidablement bien retranscrit. Il sera d’ailleurs assez fréquent de rester appuyé 4 ou 5 bonnes secondes sur la gâchette L2 avant de voir notre voiture s’immobiliser totalement. Oui messieurs, le moteur est d’origine, et l’on est bien loin des plaquettes de frein ultra sensibles présentes dans Test Drive Unlimited 2. Qui s’en plaindra ?
« Crois-moi, je suis tout sauf un héros de guerre »
Enfin, parlons un peu de la durée de vie, si vous le voulez bien. Le jeu est divisé en 21 enquêtes principales. Ce qui, honnêtement, vous occupera une bonne dizaine d’heures si vous tenez à obtenir tous les indices et ainsi mener à bien vos interrogatoires. A côté de ça, vous aurez deux ou trois autres tâches facultatives à accomplir si vous voulez finir le jeu à 100%. En premier lieu, comme je le précisais un peu plus haut, le soft « propose » 40 petites scènes dites d’action vous permettant de décompresser. Celles-ci sont, dans l’ensemble, très courtes, et beaucoup trop faciles, malheureusement. Cependant elles ont le mérite d’exister.
Mais ce n’est pas tout. En effet il est également possible de partir à la recherche des 95 véhicules utilisables du jeu. Rien que ça. Et autant vous dire que la taille de la map (ainsi que la ressemblance fâcheuse entre chaque voiture) ne vous aidera pas le moins du monde. Il vous sera également possible de fouiner afin de trouver des bobines de films (sorte de paquets cachés, à la manière d’un GTA) ainsi que des journaux et des monuments (les 30 infrastructures les plus emblématiques de Los Angeles, en somme). Enfin, le jeu étant globalement assez mou (plutôt logique pour un jeu dit d’enquêtes), vous pouvez d’ores et déjà prévoir d’y passer une vingtaine d’heures. Plutôt pas mal, comparé à ce qu’on a l’habitude de voir chez les concurrents.
L.A Noire est donc un jeu à part, à n’en pas douter. Que ce soit au niveau de sa mise en scène, de son ambiance, de sa bande-son, ou encore de son déroulement, tout y est léché pour que le joueur puisse prendre son pied sans pour autant avoir mal au crâne. C’est d’ailleurs la seule chose qui laissera véritablement un goût amer après avoir bouclé l’aventure, l’assistance perpétuelle dont est victime le joueur. C’est fort dommage lorsqu’on sait que les développeurs auraient pu penser à faire la part des choses en dotant le jeu de deux niveaux de difficulté. On aurait tant aimé pouvoir tester une version « hardcore » ou même simplement « expert », réservée aux habitués de jeux vidéo. Mais il n’en est rien, et l’on ne peut qu’espérer voir une suite débarquer dans deux ou trois ans, un peu plus ardue cette fois.
Pour l’heure, L.A Noire est ce qu’il est, avec ses indéniables qualités, mais aussi ses malheureux défauts. Pour autant, comment envisager de passer à côté d’un titre aussi atypique, à l’heure où d’autres licences, pour le moins réputées, tournent clairement en rond ? C’est donc un véritable vent de fraîcheur que nous apportent les gars de Team Bondi. Un vent aux senteurs de poudre, issue de fusils BAR que l’on vient d’utiliser. Un vent aux senteurs de gaz d’échappement provenant de cette Buick flambant neuve qui vient de manquer de vous écraser. Un vent aux senteurs de tabac, celui que l’on fume au Blue Room Club, tout en écoutant le jazz de la douce Elsa Lichtmann. Un vent aux senteurs de hit, la marque de fabrique d’un jeu qui ne vous laissera pas indifférent.
Compte tenu d’un bon nombre de soucis, L.A Noire ne plaira pas à tout le monde, c’est certain. Son approche simpliste et ses incohérences nous aident à penser qu’il n’a pas été totalement terminé. Cependant, sa mise en scène, son rendu sonore, ainsi que son ambiance générale sont autant de qualités qu’il serait dommage de bouder.