« I’m no Superman »… Si pour vous aussi ces quelques mots évoquent la chanson de Lazlo Bane, c’est que vous connaissez la série Scrubs. Assurément, vous êtes quelqu’un de goût, mais là n’est pas la question. Car en effet si j’ai choisi de faire référence à ce programme en préambule, c’est pour vous parler du sujet traité dans le dernier film de Thomas Lilti, Hippocrate.
Loin de moi l’idée de vous faire une leçon d’Histoire. Je ne vous ferai donc pas l’affront de vous apprendre qu’Hippocrate était un médecin grec né en 460 avant Jésus Christ, connu avant tout pour son fameux serment, le bien-nommé serment d’Hippocrate. Ah bah finalement, si, je vous ai fait la leçon… Ceci étant dit, vous l’aurez compris, le film dont je m’apprête à vous parler traite de médecine, et plus particulièrement d’un hôpital dans lequel officie le jeune interne Benjamin. A priori rien d’anormal, si ce n’est que le médecin débutant en question s’avère être le fils du directeur des lieux. On passera donc 1h30 à le voir évoluer au sein de ce monde stressant, parfois cruel, auquel il a toute les peines du monde à s’adapter, tout du moins au début.
Joué par le jeune Vincent Lacoste (De l’huile sur le feu, Les Beaux Gosses, etc…), Benjamin est un personnage auquel on arrive rapidement à s’identifier. Certains le trouveront même attachant. Pour être honnête, j’aime assez l’acteur. Ou en tout cas dans des comédies absurdes. Souci : Hippocrate n’en est pas une. Et lorsque l’intrigue du film est prenante, parfois triste, on en vient à regretter que Thomas Lilti ait choisi un acteur aussi jeune pour incarner le rôle principal. Il l’explique lui-même en interview : « C’était pour insister sur le côté débutant ». Ce que je conçois tout à fait. Malheureusement, ça coince tout de même, et notamment sur deux choses essentielles.
Le physique tout d’abord, car Vincent Lacoste reste un jeune homme au visage très ado, limite enfantin. Cela passerait encore si monsieur n’avait pas de soucis à l’oral. Pour préciser ma pensée, disons que cet acteur a un souci assez flagrant, et ce, peu importe le film. En effet, je ne peux m’empêcher de pester devant une diction aussi mauvaise. J’avais déjà été frappé par ce détail auparavant, mais c’est tout de suite beaucoup plus problématique dans Hippocrate que dans Les Beaux Gosses. Détail qui, nous sommes bien d’accord, n’enlève rien au talent du jeune homme.
Là où le casting me gêne un peu plus en revanche, c’est au niveau du second rôle. Second rôle qui ici, comme son nom ne l’indique pas, a plutôt tendance à apparaître à l’écran plus souvent que le rôle principal. Abdel donc, puisque c’est ainsi que se nomme le personnage en question, est joué par Reda Kateb. Autant être clair tout de suite, je l’avais déjà trouvé décevant dans Un Prophète, je l’ai cette fois trouvé tout à fait insupportable. Intonations, gestuelle… Là encore, j’imagine que tout est une affaire de goût. Ceci étant dit, il est important de noter que le personnage d’Abdel est, quant à lui, tout à fait intéressant (j’aurais donc aimé le voir joué par un meilleur acteur). En effet, on a à faire ici à un médecin étranger, tout droit venu d’Algérie. Vous le savez peut-être, les hôpitaux de notre cher pays ne seraient sans doute pas aussi « productifs » sans l’aide de tous ces professionnels venus des quatre coins du monde. C’est donc une très bonne idée de la part du réalisateur d’avoir introduit ce constat dans son film car cela renforce la crédibilité de l’ensemble.
Puisqu’on en parle, sachez qu’en visionnant Hippocrate on se répète souvent que le tout fait très « vrai ». Pour ma part, je ne suis pas médecin mais je connais bien les hôpitaux, et je dois dire que je m’attendais à quelque chose de plus édulcoré, de plus « cinéma », en somme. J’ai donc été agréablement surpris par la qualité avec laquelle les situations montrées au spectateur ont été retranscrites. Rien d’anormal, me direz-vous, quand on sait que Thomas Lilti était en réalité médecin lui-même il y a quelques années, et que son film raconte sa propre histoire (avec plus ou moins d’exactitude, selon l’intéressé). Le quotidien lorsque l’on est interne de garde, le manque de sommeil, les responsabilités, les relations avec les collègues, ou encore le favoritisme, voilà des sujets qui lui tenaient à coeur et qu’on a plaisir à voir décortiqués durant les 90 minutes du long-métrage.
Soyons honnête, j’ai clairement passé un bon moment devant ce film. Moi qui suis généralement réfractaire au cinéma français, j’ai ici apprécié l’intrigue, à plus forte raison car elle est, je vous le disais, servie par un réalisme accru qui fait plaisir à voir. Vincent Lacoste, que j’apprécie habituellement, ne m’a pas suffisamment convaincu dans le rôle de Benjamin et j’attends de le voir dans d’autres productions afin de suivre son évolution. Jacques Gamblin est excellent dans son rôle de directeur, tandis que Marianne Denicourt, discrète, m’a surtout ébloui de par son physique.
Et puisqu’on en parle, sachez que plusieurs scènes du film laissent supposer un éventuel rapprochement entre le Dr Denormandy (Marianne Denicourt, donc) et Abdel (joué par Reda Kateb, comme précisé plus haut). Jusqu’ici rien de spectaculaire, mais le souci provient du sentiment de « cut » assez violent dans le montage. A plusieurs reprises je me suis en effet demandé pourquoi telle ou telle scène était présente, et j’ai fini par comprendre qu’on ne nous montrait pas tout… Suis-je le seul à avoir remarqué cela ? Aucune importance.
Hippocrate est un film rafraîchissant que je ne regrette nullement d’être allé voir en salles. Le mixage audio y est excellent et la mise en scène est très juste. Pas de fioritures, pas (trop) de longueurs, bref : 90 minutes prenantes qui font du dernier bébé de Thomas Lilti un long-métrage que je conseille à ceux qui sont friands de films « sans prise de tête ». Notez en revanche qu’il est vendu comme une comédie dramatique. C’est pour moi une erreur d’appréciation. Certes, on sourit à plusieurs reprises, mais on ne rit pas, et c’est tant mieux. En effet, Hippocrate n’a ni le style ni le goût d’une comédie. C’eût donc été dommage qu’il déclenche en nous l’hilarité, non ?