Séance flashback musical. En 1992, Rage Against The Machine chantait Know Your Enemy. Vous vous en souvenez ? Non ? Ça tombe bien car ça n’a aucun rapport avec ce qui va suivre… Quoique.
Adapté de L’autre comme moi, la nouvelle de l’auteur portugais José Saramago (prix Nobel de Littérature), Enemy est le tout nouveau film du metteur en scène canadien Denis Villeneuve. C’est ici la seconde fois qu’il travaille avec l’acteur Jake Gyllenhaal. En effet, ils avaient collaboré ensemble à l’époque de Prisoners. Anecdote amusante : bien que Prisoners soit sorti en 2013, c’est bel et bien Enemy qui a vu son tournage se terminer en premier (le film est d’ailleurs déjà disponible en DVD et Blu-Ray sur le territoire Nord-Américain, alors qu’il est visible en salles françaises depuis à peine deux semaines). Avec le recul, on se dit que ce n’est sans doute pas plus mal car au vu du succès de Prisoners, le public sera sans doute plus facilement attiré par le dernier long-métrage du réalisateur. Oui car honnêtement, en lisant les commentaires des spectateurs s’étant déplacés pour aller le voir en salles, autant dire que ça ne donne pas spécialement envie. En grande majorité, les gens l’ont tout simplement trouvé trop complexe pour être intéressant. Étant moi-même un grand fan de Richard Kelly (réalisateur torturé de Southland Tales ou encore de Donnie Darko, dont le rôle principal est tenu par, je vous le donne en mille, Jake Gyllenhaal), il n’en fallait pas plus pour me convaincre d’aller vérifier tout ça par moi-même.
A l’issue des 90 minutes que dure Enemy (oui c’est court, surtout pour un film de ce genre), autant le dire tout de suite, j’ai pris une baffe comme rarement ces derniers temps (à plus forte raison car je suis allé voir le navet intersidéral Sex Tape trois jours auparavant). La fin étant quelque peu troublante, je suis ravi d’y être allé accompagné d’un ami. En effet, pendant le générique de fin nous avons pu débattre de ce que chacun d’entre nous avait compris de telle ou telle scène. Résultat des courses : nous en sommes arrivés à la même conclusion et nous nous sommes rendus compte que le tout était loin d’être aussi compliqué que certains internautes pouvaient le laisser penser. Je précise, si besoin est, que le film était projeté en Version Originale Sous-Titrée (ici je déconseille fortement la VF, qui fait tout simplement passer à la trappe toute l’émotion des dialogues originaux).
Ne pouvant (et ne voulant) rien vous spoiler de ce chef d’oeuvre anti-cartésien, vous comprendrez que cet article sera sans doute un poil court. Point d’inquiétude, je me rattraperai sur le prochain. Sachez tout de même que le synopsis est on ne peut plus séduisant. Enemy nous raconte en effet la vie d’un prof d’Histoire, Adam Bell (joué par Jake Gyllenhaal, donc), et de son ennui quotidien. Un jour, totalement par hasard, il croise le chemin d’Anthony Claire, un acteur de seconde zone qui a la particularité d’être son parfait sosie. S’en suivra un huis-clos extrêmement perturbant (et déconseillé aux arachnophobes), jouant sans cesse avec les nerfs du spectateur fébrile que je suis. Incroyablement malsain dans sa photographie aux teints jaunâtres, Enemy est un film lent, peu bavard, et plutôt calme. C’est pour mieux vous endormir, mon enfant ? Que nenni, ma mie ! Car si l’ensemble peut paraître d’une platitude sans nom, l’intrigue, elle, est parfaitement orchestrée. L’oeuvre étant tenue quasiment exclusivement par trois acteurs (à savoir Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, et Sarah Gadon), il ne valait mieux pas se tromper dans le casting.
Certes, Mélanie Laurent fait ici (pour ne pas changer) plutôt office de plante verte, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Sarah Gadon n’apparaît pas énormément à l’écran. Vous l’aurez compris, le véritable intérêt de cet Enemy, ce qui fait que l’on est transporté par l’intrigue du début à la fin, c’est évidemment le jeu d’acteur de monsieur Jarhead. Jouant à la fois le rôle d’Adam et celui d’Anthony, soyons honnêtes, sa prestation force le respect. Passant avec aisance de l’un à l’autre personnage, et fatalement de l’un à l’autre caractère, on en viendrait presque à croire que ce sont deux acteurs distincts que l’on a face à nous. Alors, rien que pour voir le Prince de Perse dans l’un des meilleurs rôles de sa carrière, cela vaut le déplacement, croyez-moi. Pour l’anecdote, sachez que le réalisateur a tenu à ce que ses acteurs improvisent le plus souvent possible lors du tournage. Le résultat final n’en est que plus bluffant.
Très énigmatique dans l’âme, le dernier long-métrage de Denis Villeneuve n’a donc pour moi qu’un seul défaut, à savoir l’un des effets spéciaux mettant en scène un véhicule à la fin du film. Ce dernier est selon moi totalement loupé. Certes, c’est loin d’être la scène la plus marquante, et heureusement. Côté points forts, le plus important, toujours selon mon avis, est le fait que cet Enemy nous fasse réfléchir. J’affectionne particulièrement ce genre de projets interactifs durant lesquels le spectateur est amené à se poser de réelles questions s’il veut pouvoir entrevoir un semblant de réponse. Pourtant, ne vous sentez pas obligés d’aller voir ce film muni d’un tube d’aspirine. Avec un peu de jugeote, je peux vous assurer que le tout deviendra limpide une fois que la scène finale, particulièrement oppressante, apparaîtra devant vos yeux.
Alors concluons, si vous le voulez-bien, par une interrogation légitime, à savoir « A qui s’adresse Enemy ?« . La réponse pourrait paraître évidente, cela dit elle ne l’est pas. Car non, je refuse de croire que seuls les fans de films torturés et complexes y trouveront leur compte. Bien sûr ce n’est pas une comédie familiale loin de là, encore moins un film d’action. Pourtant, force est de constater que Denis Villeneuve a ce petit quelque chose qui fait que l’on finit par apprécier même les aspects les plus détestables de sa mise en scène. Parfois trop sombre, parfois trop lent, Enemy arrive néanmoins à nous plonger dans une histoire qui, de prime abord, nous paraîtra abracadabrantesque, pour au final nous apparaître tout à fait plausible. On appelle ça la magie du Cinéma, paraît-il.
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Eh bien, bravo ! Ta critique m’a donné envie de voir ce film (que je regarderai ce soir)… T’es content de toi j’espère !
Je ne sais pas si tu as vu le film que je vais citer, mais ce que tu dis du film et ce que j’ai pu voir de la bande-annonce postée sous ta critique (surtout les dernières secondes) me font penser au film : Trouble (avec Benoit Magimel, Natacha Régnier). Je te poste une bande-annonce : http://www.dailymotion.com/video/xpx8z5_trouble-bande-annonce-vf_shortfilms .
Comme ça, de prime à bord, je pensais à quelque chose dans le genre Memento, évidemment. Mais les dernières secondes de cette bande-annonce où l’on peut voir les deux personnes qui sont donc (enfin apparemment) bien différentes m’ont plutôt fait penser donc à Trouble. Intrigant.
En tout cas, belle plume l’artiste.
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Eh bien merci beaucoup ! Ravi de voir que j’ai le « pouvoir » de tenter les spectateurs à voir tel ou tel long-métrage. L’as-tu visionné, entre temps ? Si oui, qu’en as-tu pensé ? Agréablement surpris, ou déçu peut-être ?
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