Jusqu’où seriez-vous capable d’aller pour faire plaisir à votre idole ? Seriez-vous enclin à mettre votre réputation, voire même votre vie, en danger ? C’est la question que pose implicitement Elle l’adore. Allongez-vous et dites-moi tout.
Alors que sa sortie en salles est prévue pour le 24 septembre, j’ai pour ma part eu la chance de voir Elle l’adore en avant-première. Si je dis la chance c’est tout simplement que ce dernier ne m’a pas déplu, bien au contraire. Nous sommes ici face au tout premier film de la réalisatrice Jeanne Herry. Son nom ne vous dit peut-être rien, pourtant sachez qu’elle est la fille de la comédienne Miou-Miou (pas de blague digne des Inconnus, merci !) et du chanteur Julien Clerc. Maintenant que les présentations sont faites, passons au film lui-même, voulez-vous.
N’y allons pas par quatre chemins, le titre du long-métrage en question ne me plaît pas. Certes, le « vrai » titre était Elle l’aime, Elle l’adore, en référence à la chanson La groupie du pianiste de Michel Berger, mais tout de même. Disons qu’il y a plus aguicheur. Fort heureusement, ce n’est pas le plus important. En effet, le plus gros point fort de ce film est sans aucun doute son synopsis. Dans Elle l’adore, Muriel Bayen est une fan inconditionnelle de Vincent Lacroix, chanteur populaire à la Patrick Bruel (bien qu’on nous affirme que la réalisatrice n’a été influencée par aucun chanteur réel en particulier). Jusqu’ici, rien de bien excitant. Pourtant, un soir, Vincent va venir sonner à la porte de chez Muriel pour lui demander un service, et non des moindres. En effet, le bougre requiert son aide afin qu’elle fasse disparaître le cadavre de sa fiancée. De cette situation assez improbable découlera une intrigue finement écrite, saupoudrée de quelques surprises bien senties. Il faut dire aussi que Muriel est une mythomane chronique, alors forcément, cela donne lieu à quelques répliques insolites, vous vous en doutez.
Le décor est planté, vous l’aurez compris, mais il ne serait rien sans les deux acteurs principaux à qui l’on a demandé de faire tenir la baraque. A ma gauche, Sandrine Kiberlain dans le rôle de Muriel Bayen. A ma droite, Laurent Lafitte dans le rôle de Vincent Lacroix. Récemment admis au sein de la Comédie Française, ce dernier nous montre ici toute l’étendue de son talent. Très sombre tout au long du film, à en devenir presque inquiétant, l’acteur, à travers le personnage de Vincent, arrive à nous interroger de la manière suivante : « Qu’auriez-vous fait à ma place ?« .
Sandrine Kiberlain, de son côté, est tout aussi magistrale. Je ne l’apprécie pas forcément dans tous ses films, mais elle m’a rappelé ici son rôle, datant de 2012, dans Pauline Détective. Alors, certes, ce n’était pas le film du siècle, mais le plus gros défaut de cette petite production tenait en deux mots : Audrey Lamy. Hormis cela, le tout baignait dans une délicieuse ambiance kitsch, à la limite du ridicule, mais presque aussi sympathique qu’un OSS 117, selon moi. Dans Elle l’adore, toutefois, son rôle, bien que drôle, reste sombre. Pas autant que celui de son compère masculin, soyons clair, mais le long-métrage en question nous plonge dans une espèce de thriller tragi-comique oscillant sans cesse entre les deux genres. Petite précision, mais loin d’être anodine, le film étant plein de suspense, j’ai été agréablement surpris que le ton global ne soit jamais surjoué, et ce, par aucun des protagonistes. J’ai trouvé utile de le mentionner ici.
L’un des points les plus intéressants concernant le personnage de Muriel est également sa « folie« . Et si j’entoure ce terme de guillemets, c’est aussi et surtout parce qu’à aucun moment dans le film on ne mentionne le fait que Muriel n’est pas nette. Disons que la réalisatrice le suggère implicitement lors de quelques scènes, quelques répliques, disséminées ici et là. Nous sommes ici bien loin du fan inquiétant de Whitney Houston dans Bodyguard. Mais le personnage joué par Sandrine Kiberlain n’en reste pas moins troublant, là encore à la limite des choses. Coincé entre la vérité et le mensonge, entre la naïveté et la force de caractère, entre le fanatisme et le désintérêt total. Fichtrement intéressant, vous dis-je.
Pour terminer sur le jeu d’acteurs, et plus globalement sur l’intrigue du film, sachez qu’Elle l’adore n’est tout de même pas un modèle de perfection. En effet, si je devais faire quelques reproches au film, je commencerais sans doute par mettre en avant l’inutilité absolue de certaines scènes. Lesquelles ? Eh bien notamment cette « histoire dans l’histoire » mettant en scène un couple de policiers, à savoir Antoine (joué par Pascal Demolon) et Coline (jouée par Olivia Côte). Cette dernière étant une amie de Jeanne Herry dans la vraie vie, je veux bien croire que la réalisatrice en question lui ai « donné » ce rôle avec plaisir. Cela dit, on ne pourra ainsi s’empêcher de crier au remplissage durant une bonne vingtaine de minutes (cumulées, je vous rassure). On aura en effet beaucoup de mal à comprendre l’intérêt de glisser dans Elle l’adore cette histoire de couple, assez affligeante, dans laquelle la femme (Coline, donc) couche avec tous les collègues du commissariat…
Comprenez-moi bien, je n’ai strictement rien à reprocher aux deux acteurs en question. Je reste simplement perplexe devant ce genre d’ajouts faits au montage. Fort heureusement, cela ne change rien au film en lui-même, à son scénario prenant et rafraîchissant, ou encore aux interprétations quasi-parfaites de ses deux têtes d’affiche que sont Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte. Ayant obtenu plusieurs récompenses ces derniers mois (UGC, Gaumont, K2, etc…), Elle l’adore est un film qui se résume finalement assez rapidement, qui ne vous fera pas sursauter à coups d’explosions, et qui ne vous fera pas non plus trop réfléchir. L’oeuvre, sans prétention aucune, vaut donc surtout pour son intrigue dont on veut clairement connaître le dénouement durant tout le film. Et si vous êtes fan vous-même d’un chanteur connu, au point de tout collectionner à son propos, Elle l’adore pourrait peut-être même vous servir de thérapie, qui sait ? Réponse en salles dès demain.