David Koepp n’est pas un metteur en scène très connu, ni très actif d’ailleurs. Réalisateur de moins de 10 films en 20 ans de métier, il est le papa de longs-métrages tels que Hypnose (en 1999, avec Kevin Bacon), Ghost Town (en 2008, avec Ricky Gervais) ou encore Premium Rush (en 2012, avec Joseph Gordon-Levitt). Koepp nous revient cette année avec un nouveau projet appelé Charlie Mortdecai. Verdict.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est primordial de vous avertir au cas où vous n’auriez pas encore visionné la bande-annonce française du film : oubliez la VF ! D’une manière générale, beaucoup de films s’en sortent bien en version doublée, là n’est pas le souci. Mais le personnage de Charlie Mortdecai est à la fois excellent en VO (nous y reviendrons) et insupportable dans la langue de Molière. Vous voilà prévenus.
Pour ce qui est du synopsis, sachez que Charlie (interprété par l’ami Johnny Depp) est un amateur d’art, connaissant le sujet sur le bout des doigts, mais c’est aussi et surtout un escroc. Cependant, la fortune des Mortdecai n’est plus ce qu’elle était et sa femme Johanna (interprétée par Gwyneth Paltrow) menace de quitter ce pauvre Charlie incessamment sous peu. Quelle aubaine, donc, qu’une affaire de meurtre liée à un tableau se profile à l’horizon, car l’inspecteur Martland (interprété par Ewan McGregor) va devoir faire appel à l’inénarrable Charlie pour l’aider dans son enquête. Enfin, comme si ça ne suffisait pas, Martland est amoureux de madame Mortdecai, tandis que Charlie décide de se laisser pousser la moustache. Tout un programme !
Jouissant d’un humour So British, le film ne plaira pas à tout le monde, c’est une certitude. Les critiques sont d’ailleurs assassines, bien que beaucoup de spectateurs l’aient vu en VF (ce qui change tout de même radicalement le film, croyez-moi). Pour résumer le degré de bêtise auquel on a droit dans Charlie Mortdecai, sachez que j’aime à comparer ce film à d’autres comédies telles que La Panthère Rose (de 2006, avec Steve Martin, Jean Reno, Beyoncé et Kevin Kline), Johnny English (de 2003, avec Rowan Atkinson, John Malkovich et Natalie Imbruglia), ou encore l’incontournable Austin Powers (de 1997, avec Mike Myers et Liz Hurley). La principale différence réside dans le fait que Charlie Mortdecai manque d’action. Il lorgne même parfois plutôt du côté de Pauline Détective (avec Sandrine Kiberlain).
En effet, Charlie Mortdecai est l’un de ces films qui font la part belle aux dialogues bien écrits, et surtout très intelligemment distillés. Attention toutefois, nous sommes encore bien loin de la qualité scénaristique d’un Pulp Fiction ou d’un Snatch. Pourtant, le va-et-vient fait mouche dans 90% des cas et le jeu d’acteur, un brin exagéré, des compères Depp / Paltrow / McGregor est un délice pour qui aime ce genre d’humour. La scène du fromage en particulier est à mourir de rire. Jamais lourdingue, le script est d’une légèreté sans nom. La lourdeur, elle, se fait toutefois ressentir du côté de la gestuelle de Charlie. Flirtant avec un Jim Carrey des années 1990 ou encore avec un Mr Bean en pleine forme, force est de constater que si j’ai pour ma part passé un excellent moment, le spectateur dit lambda sera sans doute vite agacé.
Mais il est un personnage dont on parle peu. Pourtant tout autant si ce n’est plus important que le reste du casting, Jock (interprété par Paul Bettany) est le chauffeur de Charlie. On pourrait alors se dire qu’il n’a pas réellement d’importance dans le film, et pourtant… Car si son physique et sa voix impressionnent de prime abord, sachez que ce grand gaillard est également un homme d’action, prêt à tout pour sauver son patron de situations rocambolesques. Se faire couper un doigt ? Pas de souci ! Prendre une balle à sa place tandis que les deux hommes se font tirer dessus dans un garage automobile ? Aucun problème ! –Cette scène donne d’ailleurs l’un des plus beaux fous-rires procurés par le projet, et ce par le biais de la réplique magique du garagiste italien « Someone shooting on the car… Someone shooting on ME !! »– Bref, vous l’aurez compris, Jock est un sacré personnage. Ai-je précisé qu’il est également un Don Juan confirmé et que, à la manière d’un Allen Gamble dans Very Bad Cops, monsieur couche avec tout ce qui bouge sans qu’on ne sache vraiment pourquoi (ni comment) ?
Vous l’aurez compris, Charlie Mortdecai propose une belle brochette de protagonistes hauts en couleur. Ajoutez à cela une photographie des plus réussies et vous aurez un bon aperçu de ce que propose ce long-métrage. Londres et Los Angeles, entre autres, resplendissent dans ce film et vous aurez même droit à l’apparition d’un acteur mythique lors des passages dans la cité des anges. Non, non, je ne révèlerai rien. Côté bande-son, je vous le disais la VO fait mouche, mais il faut également noter à quel point les musiques se marient de bien belle manière avec l’ensemble. Très OSS 117 (avec Jean Dujardin) dans l’âme, les compositions de Geoff Zanelli sont excellentes. Et si j’ajoute que 80 % des musiques sont orchestrées par le génial Mark Ronson, cela finit-il de vous convaincre ? Si tel n’était pas le cas, sachez que les poumons d’Olivia Munn (ainsi qu’Olivia elle-même, si si) sont prêts à vous accueillir en salles… Durant quelques secondes à peine, certes.
Charlie Mortdecai est donc au final l’un des films dont on attend rien. D’aucuns crieront à la bouse intersidérale, d’autres lui laisseront une chance. Difficile, pourtant, de vous conseiller ce film si vous n’êtes pas fan au demeurant de personnages délurés et démesurément demeurés. Vous avez aimé cette phrase ? Alors vous aimerez Charlie Mortdecai (en VO, attention, je me répète mais c’est primordial). Si le scénar n’a rien de transcendant, le timing des dialogues et la justesse des intonations font clairement bonne impression.
Et si Johnny Depp en fait parfois des tonnes (après tout, Charlie est comme ça), on passera un relativement bon moment devant ce panel de personnages tous plus atypiques les uns les autres. De Paul Bettany et ses 5 à 7, à Ewan McGregor et sa tristesse sentimentale, en passant par Gwyneth Paltrow et sa sainte horreur de la moustache, le casting fait rire et c’est tout ce qu’on demande. Johnny Depp incarne, au milieu de tout ça, le couillon de service, et ce n’est pas pour nous déplaire. Parfois un peu mou, parfois un peu avare en détails, il n’en reste pas moins que Charlie Mortdecai, nouveau bébé de David Koepp, m’a donné envie de voir une éventuelle suite à tout ça… Après tout, il n’est adapté que d’un seul des 3 bouquins éponymes. Aurais-je oublié de le préciser ? Oups !