Mars 2025. Tandis que les amateurs de jeux vidéo en manque de AAA se rueront très probablement sur Assassin’s Creed Shadows d’Ubisoft, il est clair que, du côté des productions indépendantes, l’année est (encore une fois) très chargée. Et si de nombreux projets sont attendus courant avril (Blue Prince, Commandos Origins, Ruffy & the Riverside, Promise Mascot Agency…), sachez que le 27 mars prochain sortira une oeuvre espagnole tout à fait singulière : Your House. L’ayant terminé il y a de cela quelques jours, je vous livre aujourd’hui mon verdict à son sujet.

Mais commençons par le commencement. Puisque « Ta Maison » est le nouveau – et quatrième – rejeton du studio Patrones y Escondites. Basée à Barcelone, cette structure comprenant moins d’une dizaine d’employés a en effet ouvert il y a 9 ans. On leur doit donc les jeux Pineapple: A Bittersweet Revenge (paru en 2024), Delete After Reading (paru en 2023), mais aussi et surtout Unmemory (leur tout premier projet, paru en 2020). Une précision que je tenais absolument à faire, dans la mesure où Your House… est en réalité le prequel d’Unmemory. Si comme moi vous avez connu ce dernier, vous lâcherez donc très probablement un petit sourire devant quelques clins d’oeil disséminés ça et là (coucou Filibus !).

Ces nains de jardin ont clairement le sens de la mode !

À présent que vous savez qui est qui, il faut évidemment que je vous explique de quoi il retourne dans Your House. À vrai dire, figurez-vous que ce n’est pas si simple que cela à résumer. Nonobstant, et puisque l’on a affaire ici à un jeu de réflexion narratif, je dirais que vous êtes face à un mix entre un Escape Game d’une part, un Visual Novel d’autre part, et enfin un Livre Dont Vous Êtes Le Héros. Comprenez par là que l’aventure est aussi bien un jeu vidéo à lire… qu’un livre à jouer. Ni plus, ni moins.

Concrètement, vous faites défiler des pages de texte avec votre souris (si vous êtes sur PC) ou avec votre doigt (si vous êtes sur iOS et Android). Dans ces paragraphes, cliquer sur les mots en gras vous fera accomplir des actions bien spécifiques (sauter, ouvrir une porte, courir, quitter un lieu…), tandis que toutes les 5 minutes vous serez interrompus par l’arrivée d’une énigme. Il y en a énormément tout au long du jeu (c’est même la raison d’être du projet), et elles peuvent prendre beaucoup de formes : coffre-fort à déverrouiller, partition de piano à jouer, numéro de téléphone à trouver, etc.

Error toi-même !

Certains puzzles sont bien entendu plus retors que d’autres, mais, dans l’ensemble, j’ai trouvé l’aventure bien plus accessible (et agréable à parcourir) que ne l’était Unmemory en son temps. Pour être honnête, j’ai été obligé de jeter un oeil aux indices à seulement deux reprises (ils sont totalement facultatifs, et cachés derrière le menu Pause). La première était d’ailleurs due à un bug; j’avais la bonne réponse mais le jeu refusait de la valider. Gros point positif donc : les énigmes de Your House ont toutes été créées de manière intelligente et cohérente. En conséquence, on ne peste pour ainsi dire jamais devant un casse-tête qui s’avèrerait illogique. Chose qui arrive bien trop souvent, hélas, dans d’autres jeux de réflexion.

Ici, on ne s’ennuie pas une seule seconde, on « jibule » lorsqu’une porte s’ouvre grâce à notre pouvoir de déduction… Bref, la proposition de gameplay, terriblement ingénieuse, est à saluer. On appréciera également les nombreuses références culturelles, incrustées à la fois dans les énigmes, mais aussi au sein des lignes de texte. De la taverne de Moe (Les Simpson) au Principal Strickland (Retour Vers Le Futur), en passant par le Daily Planet (Superman), La Panthère Rose ou encore l’excellent groupe de ska californien Save Ferris.

Debbie n’a vraiment aucune culture…

Your House fait d’ailleurs un sans-faute absolu en ce qui concerne sa présentation. En termes de travail sonore tout d’abord. Puisque, si les quelques doublages US sont somme toute corrects, c’est surtout la bande-originale du jeu qui ravira les plus mélomanes. Réalisée par le compositeur français Xavier Paradis (ayant notamment oeuvré sur le film Blair Witch de 2016), la partition offerte ici propose encore plus de cordes à piano que l’agent 47, plongeant régulièrement le joueur dans une ambiance jazzy / lounge à la White Night (manoir oblige) dans laquelle on se loverait bien durant des siècles.

Mais vous l’aurez aisément constaté en jetant un oeil à mes différentes captures d’écran, le jeu de Patrones y Escondites est également superbe d’un point de vue artistique. Jouissant en effet d’une esthétique inspirée par les comics Pulp, Noir, Dylan Dog ou encore le travail de Daniel Kraus, le bébé espagnol n’a en effet rien à envier aux plus belles bandes-dessinées des années 1950. La colorimétrie « délavée » employée du début à la fin de notre aventure est un vrai régal pour les mirettes. Il est donc appréciable de constater que le jeu bénéficie d’une durée de vie plus que correcte (et ce, à un tarif attractif, qui plus est). En effet, pour ma part j’ai atteint la conclusion du chapitre 5 (et donc le générique de fin) au bout de 7 heures. En revanche…

« Quel est ton film d’horreur préféré ? »

…si le projet barcelonais est très plaisant à jouer, il souffre hélas du même problème que son prédécesseur (Unmemory, sorti il y a 5 ans, comme je vous le disais en introduction). J’entends par là qu’une fois la moitié du jeu atteinte, la narration – et plus généralement l’écriture – de l’oeuvre est très en deçà du reste. Vous y incarnez en effet Deborah (Debbie, pour les intimes), une jeune femme qui vient de fêter ses 18 ans (nous sommes dans les 90’s) et qui va s’enfuir de son internat après avoir reçu une carte postale l’invitant à se rendre dans la fameuse maison (tout le jeu se déroule d’ailleurs à l’intérieur de ces murs).

Problème : là où l’aventure met en place de superbes énigmes, une bande-son géniale et des visuels somptueux… en toile de fond le projet se perd malgré tout dans une espèce de lutte féministe extrême, nous rappelant volontiers que « le petit ami de Debbie est un gros porc qui l’a trompée », son père est un alcoolique qui lui tape dessus régulièrement, et que pour faire carrière dans la vie il faut obligatoirement rester entre femmes. Notre héroïne est d’ailleurs bisexuelle et choisira de partir avec une fille quoi qu’il arrive (cela va sans dire). Vous l’aurez compris : 100% des hommes évoqués dans le jeu sont des monstres, et il est donc très difficile de ne pas être déçu par ce scénario, tant le reste de l’oeuvre est pourtant véritablement soigné. Dommage…

Il est pas beau, mon spaghetto ?

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