Mai 2025. C’est dans une chaleur étouffante que je me suis rendu au coeur du 8ème arrondissement parisien, et ce afin de passer une tête à la BigBen Week. Loin de moi l’idée de m’incruster, j’avais bien entendu été convié au préalable par l’éditeur français (renommé Nacon depuis quelques années dès qu’il s’agit d’éditer un jeu). Une invitation que j’aurais eu tort de refuser puisque, comme toujours, des previews étaient organisées sur place. Une après-midi bien remplie donc, qui m’aura permis de jouer 2 heures au nouveau Robocop: Rogue City – Unfinished Business, mais également de tâter les 3 premières heures du fameux Hell is Us. Récit.

Avant toute chose, et si jamais vous faites éventuellement partie des gens qui n’ont jamais entendu parler du projet qui nous intéresse aujourd’hui, retenez qu’il sortira sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series le 4 septembre prochain (le 1er septembre pour les acheteurs de l’édition Deluxe), et qu’il est développé par Rogue Factor. Ce studio québecois fondé en 2013 par Cyanide (filiale de BigBen Interactive) n’a jusqu’ici produit que deux oeuvres (Mordheim: City of the Damned, et Necromunda: Underhive Wars), jugées d’ailleurs assez moyennes par les joueurs ainsi que par la critique. La grosse différence cette fois, c’est que leur troisième jeu (Hell is Us donc) a été dirigé par un « nouvel » employé du studio : Jonathan Jacques-Belletête.

Vous avez demandé Death Stranding ? Ne quittez pas !

Pour les deux du fond à qui ce nom ne parlerait pas le moins du monde, sachez que l’homme appelé JJB (avouez que c’est nettement plus rapide !) travaillait auparavant chez Eidos Montréal. Plus précisément, il était directeur artistique (et pas directeur créatif !) sur Deus Ex: Human Revolution (paru en 2011) puis Deus Ex: Mankind Divided (sorti pour sa part en 2016). Le québécois était par ailleurs présent dans la pièce lors de ma preview, et j’avoue que ça a été un véritable plaisir de discuter avec lui. Dès lors qu’il en parle, il nous serait bien difficile de ne pas ressentir à 200% la passion du jeu vidéo qui l’anime. Il n’a d’ailleurs eu aucun mal à nous expliquer, par le biais d’une longue présentation orale, ce qu’était Hell is Us en long, en large et en travers. Tout du moins… sur le papier.

Ici vous incarnez Rémi, un Canadien qui s’est fait abandonner par ses parents lorsqu’il avait 5 ans. Nonobstant, rassurez-vous : il ne s’agit pas ici de l’adaptation en jeu vidéo de Rémi Sans Famille (quoique…). En revanche, le bébé de Rogue Factor s’inspire très nettement d’Annihilation, le long-métrage de 2018 mettant en scène Natalie Portman. Côté esthétique d’ailleurs, il est évident que l’on pense irrémédiablement au Death Stranding de Kojima dès les premiers instants de jeu. Toutefois, dans Hell is Us l’action prend place en 1993. Rémi, devenu adulte, décide de revenir dans son pays natal, afin de retrouver ses géniteurs (et de leur poser des questions qui fâchent). Problème : au-delà de la guerre civile qui fait rage, c’est aussi et surtout une « Calamité » qui fout une sale ambiance dans le secteur, à coups de monstres flippants et autres « pouvoirs lymbiques ».

Atteindrez-vous la plus haute salle de la plus haute tour ?

Premier constat en lançant le bébé de Rogue Factor : le jeu est beau (et tournait en 4K 60fps). Certes, nous étions face à une version PC fonctionnant sur une config dernier cri, mais en l’état on peut dire que ça en jette (à part le character design des ennemis qui, lui, laisse à désirer). Le AA édité par Nacon se la jouerait même presque AAA sur certains aspects. On pense par exemple aux cinématiques ultra-propres, ainsi qu’au sound design bluffant (les musiques et les doublages sont de qualité, et si nous n’avions que la version US à disposition, le jeu sera bel et bien doublé en français d’ici à sa sortie). Mieux, l’optimisation DualSense est même de la partie, et l’on ressent très fortement les gouttes de pluie sur la manette, ou encore l’impact des coups dans les gâchettes.

JJB nous l’a répété pas loin de 800 fois, Hell is Us est un jeu porté avant tout par deux piliers : l’exploration d’une part (50%), et le côté baston d’autre part (50%). On est donc en présence d’un monde semi-ouvert, plutôt très grand si vous voulez tout savoir, et contenant aussi bien des zones rurales habitées de PNJ à qui parler, que des plaines remplies d’ennemis, ou encore des donjons à proprement parler (qui le sont encore plus). Pour autant, le projet francophone est très différent de ce que l’on peut voir d’habitude dans ce genre de productions Action light-RPG en vue TPS. En effet, vous pouvez immédiatement oublier les sempiternelles assistances de jeux tels qu’Horizon (Zero Dawn et Forbidden West), de tous les Assassin’s Creed, etc. À titre de comparaison, la structure de Hell is US joue plutôt dans la même cour que les projets signés Frogwares (The Sinking City, Sherlock Holmes: Chapter One, Sherlock Holmes: The Awakened…).

Les cut-scenes sont superbes !

Comprenez par là que, durant les 30 à 40 heures que dure l’aventure, vous n’aurez pour ainsi dire aucune map sous les yeux, aucun marqueur d’objectif, aucune boussole magique en haut de votre écran, aucun journal de quêtes ou quoi que ce soit de ce genre. Rémi ne pourra en effet compter que sur son instinct, ainsi que sur sa fidèle tablette tactile, servant à la fois de gestionnaire d’inventaire et, éventuellement, de « piqûre de rappel » concernant les PNJ rencontrés (au cas où le joueur se sentirait un poil trop perdu au sein de la trame scénaristique). Concrètement, si vous avez connu les jeux franco-ukrainiens susnommés (ou que vous avez tâté le génial Kingdom Come Deliverance II), vous ne serez pas dépaysés.

Pour les autres en revanche, sachez que l’exploration d’Hell is Us n’a rien d’insurmontable. Il vous suffit d’être attentif à ce que racontent les citoyens à qui vous parlez, de ne pas hésiter à prendre des notes (dans un carnet ou sur votre smartphone), et évidemment de bien observer votre environnement (les puzzles sont d’ailleurs inspirés des sagas Tomb Raider et Resident Evil). Pour ma part en tous les cas, c’est un pan du jeu que j’ai beaucoup apprécié. Et même si c’est une formule que je connaissais déjà, il est clair qu’elle reste bien plus agréable à suivre que celle de tant d’open-worlds, balisés jusqu’à saturation. Néanmoins, je vous le disais un peu plus haut : Hell is Us est aussi bien un jeu de piste… qu’un jeu d’action. Il est donc à présent temps d’évoquer le dernier point de cette preview. Hélas, c’est également le plus gros (le seul ?) défaut du titre.

Le design des ennemis est assez cheap…

Cela ne vous aura sans doute pas échappé si vous suivez le projet depuis son annonce, Jonathan Jacques-Belletête insiste fortement depuis des mois sur le fait que son Hell is Us n’est absolument pas un Souls-like. Il nous l’a bien entendu répété une énième fois avant que nous lancions la partie, et je dois dire que, très naïvement, j’avais tendance à y croire… jusqu’à ce que les premiers combats pointent le bout de leur épée (après 30 à 45 minutes de jeu). Je tiens donc à être le plus clair / transparent possible. Non, le jeu de Rogue Factor n’utilise effectivement pas de feux de camp (de simples points de sauvegarde à activer manuellement sont placés avant chaque zone), et vous ne perdez absolument rien lorsque vous mourez (vous reprenez simplement l’aventure au dernier checkpoint).

Sur le papier, HiU (pour les intimes) s’émancipe donc un tantinet de la formule From Software et de ses émules. Hélas… c’était sans compter sur le gameplay des affrontements eux-mêmes. Et sur ce point, je vais être direct : la douche est aussi glaciale qu’un hiver canadien ! Comprenez par là qu’en sus d’une interface utilisateur terriblement cheap (et totalement reprise des Souls, qui plus est), vous vivrez en réalité exactement la même expérience que dans les autres jeux de ce genre. On locke les ennemis avec R3, on esquive avec la touche Cercle, on est à court d’endurance en 3 actions, on meurt en 2 coups… Pire, ici les patterns adverses sont carrément illisibles. Bref, c’est la catastrophe ! Et si Cappy (votre fidèle drone) pourra venir vous aider à lancer des actions spéciales (en maintenant R2 + Triangle, R2 + Croix, etc), la rigidité des animations rend l’exercice terriblement déplaisant manette en mains. Jean-Paul Sartre disait que l’enfer, c’est les autres; pourtant je peux vous assurer qu’en incarnant Rémi… l’enfer c’est bel et bien nous !

J’en connais un qui a pris la grosse tête !

Un constat amer donc, puisque, même en essayant de combattre le moins possible au sein des zones peuplées de mobs, le jeu ne pourra en aucun cas être parcouru sans sortir son arme (elles sont d’ailleurs assez nombreuses, et grimpent de niveau à mesure que vous les utilisez). De mon côté vous l’aurez compris, comme la grande majorité des joueurs qui l’attendait j’avais espéré que la promesse du studio soit réelle. À savoir celle d’un jeu d’action en vue TPS qui ne prendrait pas nécessairement le même chemin (estampillé Souls-like) que les tonnes d’autres AA sortis ces dernières années. Une aventure proposant des combats puissants certes, mais tout à fait classiques et agréables à lancer (à la MARVEL Guardians Of The Galaxy, God of War, NieR:Automata, Star Wars Jedi Survivor, Like a Dragon: Pirate Yakuza in Hawaii…). En lieu et place, on se retrouve malheureusement en présence d’un projet qui emprunte beaucoup trop à ses voisins japonais (FromSoft en tête de liste), sans pour autant le faire correctement.

En effet, là où son aspect Exploration / Enquête est pourvu d’une identité suffisamment marquée pour qu’on le qualifie de plaisant à adopter, la partie purement Action de ce Hell is Us, elle, auto-sabote le projet en permanence. Dommage, car le bébé de Rogue Factor tient là quelques chouettes idées, en plus d’être des plus convaincants sur le plan narratif, sonore, et même visuel (sur la version PC testée ici). Tout ce que j’espère à présent, c’est que le studio améliorera son jeu autant que faire se peut d’ici à la sortie (dans 3 petits mois, je vous le disais). Bien entendu, il est à présent trop tard pour changer intégralement la formule des affrontements; croisons donc les doigts pour que leurs futurs projets se montrent plus convaincants sur ce point précis.

Laisser un commentaire

Tendances