Après avoir doublé la voix de Paul l’extra-terrestre en 2011, et alors qu’il accompagnait Barbra Streisand en 2012 dans le road-trip émouvant Maman, j’ai raté ma vie, Seth Rogen nous revient en grande forme, à la fois devant, mais également derrière la caméra.
C’est la fin (This is the end, en VO) porte bien son nom. Los Angeles, et bientôt la planète entière, s’apprête à disparaître. Et alors que certains croiront aller voir un film catastrophe à base de violons et de pères de famille sauvant leurs progénitures, les habitués de la troupe à Rogen ne s’y tromperont pas. Ce qui peut sembler être un énième film graveleux au premier coup d’oeil, se transforme rapidement en blockbuster ricain sacrément efficace. Je serais tenté de vous dire d’oublier 40 ans toujours puceau, American Trip, En cloque : mode d’emploi, ou encore Délire Express, mais ce serait une erreur. En effet, la réalisation, made in Seth donc, est astucieuse. Car si le film se montre généreux en terme de puissance sonore, d’effets numériques, ou de sursauts, la patte artistique des joyeux trublions n’en reste pas moins intacte.
Mais avant d’approfondir le sujet, j’aimerais évoquer un point, si ce n’est le point essentiel de C’est la fin. Là où tant d’autres ont échoué, force est de constater que le budget mis à disposition du tournage, ainsi que son casting, rend les choses plus faciles. Et c’est de ce détail dont je tiens à vous parler.
Car si la brochette de « stars » (les guillemets sont ici d’une importance capitale, croyez-moi!) fait plaisir à voir, il est important de noter que tout ce beau monde interprète son propre rôle. Dès lors, et même si elle est clairement imposante, l’Apocalypse se voit réduite au rang de prétexte visant à ce que chacun puisse casser du sucre (quand ce ne sont pas des chaises) sur le dos des autres.
Difficile après ça d’imaginer une autre réalité. Comprenez par là que Michael Cera (Juno, L’an 1, Scott Pilgrim), l’éternel gentil, un poil abruti, apparaît ici tel un gros lourd, coké jusqu’à l’os, fourbe et adepte de parties de jambes en l’air avec des prostituées. Jason Segel (The Muppets, Sans Sarah rien ne va, 5 ans de réflexion) nous est montré fatigué de son rôle dans How I Met Your Mother (le Friends de la décennie actuelle, ndlr). Jonah Hill (American Trip, Supergrave) joue les mégalos, intimement persuadé qu’il est devenu la star incontournable du cinéma US. Enfin, Rihanna, quant à elle, ne sert à rien si ce n’est à faire joli (plutôt crédible, donc). Ceci pour dire que le tout semble à tel point plausible qu’on en vient à se demander si certains acteurs que l’on imagine sans mal aussi sympathiques et cool que dans leurs productions, ne sont pas en réalité des pourritures prêtes à tout pour nous soudoyer jusqu’à plus soif.
Seth Rogen tient là son concept, génialissime au possible, et c’est par ce biais que les dialogues s’apparentent tous à des répliques cultes, traitant tour à tour des orientations sexuelles de chacun, de la survie, mais aussi et surtout de la célébrité et de ce qu’elle fait subir à l’amitié.
Le titre du film évoque clairement la fin du monde, certes, mais c’est loin d’être le seul sens que l’on peut lui trouver. Car en effet, les intéressés (Seth Rogen, Jay Baruchel, Jonah Hill, Danny McBride, Craig Robinson, Paul Rudd) sont tous des habitués de l’école Judd Appatow et/ou d’autres réalisateurs fanas de films lourdingues. Seul James Franco (127 heures, Spring Breakers, Spider-Man) sort du lot, mais en ce qui concerne les autres, C’est la fin désigne clairement la maturité, le souhait de passer à autre chose, de montrer à leurs spectateurs des rôles différents, des films dans lesquels, probablement, ils ne passeront plus leur temps à fumer de l’herbe en se masturbant.
Les bien-pensants (s’il en est) de chez TF1, Le Monde et compagnie, vous diront, l’air un poil méprisant, que ce film est une honte, un long-métrage inutile, vulgaire, et destiné uniquement aux fans des acteurs susnommés. Je leur répondrai que l’on peut être fan et savoir reconnaître un navet quand on voit un. C’est la fin est aux antipodes du film de potes raté, bâclé, ou fait en priorité pour les cousins et autres amis d’enfance.
Le seul détail, en revanche, qui pourra gêner certaines personnes, est la présence continue de clins d’oeil. Oui car durant les 2 heures quasiment intégrales, les allusions aux acteurs et séries US pleuvent de partout. Difficile donc, pour le profane, de s’y retrouver. A plus forte raison quand les protagonistes débitent leurs vannes et autres jeux de mots à 200 à l’heure. Vous êtes donc avertis. Après tout, un brin de culture cinématographique ne fait de mal à personne. Malgré cela et dans un autre registre, force est de constater que les plus jeunes ne reconnaîtront sans doute pas les Backstreet Boys…
Pari réussi, donc, pour Seth Rogen. Le bonhomme à frisettes peut être fier de son bébé, qui laissera à coup sûr une trace dans l’industrie de la comédie US. L’humour British de Simon Pegg et Nick Frost (Hot Fuzz, Shaun of the Dead, Paul) nous avait déjà servi de l’Apocalypse en entrée le mois dernier, via Le dernier Pub avant la fin du Monde. En ce début octobre, je peux vous affirmer avec assurance que le plat de résistance que propose C’est la fin est bien lourd, bien gras, mais également tendre, et dur à oublier. On en redemande… A savourer entre potes, sans modération !