Ronin est un mot que l’on retrouve dans beaucoup d’oeuvres culturelles, quelles qu’elles soient. Prononcé RONAIN (et pas RONINE), ce terme désigne le plus simplement du monde les samouraïs solitaires du Japon féodal. Ils n’avaient ni dieu ni maître, en somme. C’est donc tout naturellement que le rappeur Shurik’n (du groupe IAM) nous avait habitués à ce mot au travers de son morceau très justement intitulé Samouraï en 1998. La même année (décidément) sortait RONIN, un film coup de poing réalisé par John Frankenheimer, avec notamment Jean Reno et Robert de Niro, ainsi que de superbes courses-poursuites en berlines.
Nous voici en 2015, et c’est cette fois-ci Devolver Digital qui est aux commandes, éditeur devenu numéro 1 de la scène indépendante ces dernières années, grâce à la main de fer de monsieur Fork Parker, mais également grâce au parti pris d’éditer des jeux somme toute très violents et teintés d’une aura délicieusement rétro. On listera par exemple les célèbres Hotline Miami 1 et 2, ou encore le complètement barré Not A Hero sorti tout récemment. Je ne suis donc pas surpris le moins du monde de voir débarquer un nouveau jeu de la même famille si je puis dire, et ce dès le mardi 30 juin 2015 sur PC. Disponible depuis plusieurs mois en early access, RONIN, puisque c’est le soft qui nous intéresse aujourd’hui, est un titre développé par Tomasz Waclawek (à lui tout seul). Le moins que l’on puisse dire c’est que son projet a connu des hauts, mais surtout des bas. Si le concept du jeu a en effet de quoi séduire sur le papier, la pratique s’avère bien différente de ce à quoi l’on était en droit d’espérer. Pour résumer, RONIN est décrit par son développeur comme un jeu d’action-platefome en tour par tour… Pas très vendeur tout ça. Heureusement les premières images et autres trailers de gameplay nous avaient vite montré la voie. Fans de Mark of the Ninja ou encore de Shank, le projet semblait clairement intéressant. Incarner une tueuse silencieuse dont le visage est caché par un casque de moto (la légende ne nous dit pas si elle a un aigle sur le dos), déchiqueter du méchant au katana, pirater des ordinateurs, puis repartir en silence vers sa bécane pour aller faire justice ailleurs. Avouez que le concept est séduisant. Sans oublier que, comme très souvent, le jeu est en 2D, qu’il se veut résolument retro, et que le challenge est au rendez-vous. Oui mais voilà, ça c’était avant… Avant que l’on pose la main sur le jeu.
J’ai pour ma part commencé directement à y jouer au pad PS4, une habitude qui ne me quitte plus dès lors que je joue sur PC et qui rend la chose bien moins désagréable qu’à l’accoutumée. Ce qui nous choque, de prime abord, c’est l’aspect somme toute très vide des décors. Le jeu n’est pas moche, et artistiquement il est même plutôt agréable à l’oeil, mais je cherche encore son identité. Tout y est terriblement générique, presque sans saveur, mais passons… Deuxième constat clairement déstabilisant : le jeu tourne à 30 images / seconde maximum, et se permet même d’afficher un tearing de tous les diables, et ce, que les options graphiques soient activées ou non. Autant dire que l’aspect technique de RONIN n’impressionne pas. Il inquiète, même. Mais alors, la question qui vous taraudera sûrement l’esprit, si vous décidez de lâcher les 12.99 € nécessaires à son obtention (19.99 € en édition spéciale incluant la bande-son), est la suivante : ce jeu vaut-il vraiment le coup ? Eh bien, pas si sûr, ma bonne dame ! En effet, si l’on passe outre son aspect visuel d’une pauvreté affligeante et sa bande-son bien trop sommaire (on ne s’attendait pas à du Hotline Miami non plus, mais on peut faire du son zen de bonne qualité me semble-t-il), il nous reste deux choses à étudier : son gameplay et sa durée de vie (15 niveaux répartis en 5 contrats à accomplir). Si cette dernière s’annoncera plus ou moins longue selon vos talents, mais également en prenant en compte le fait que vous aimeriez peut-être un peu plus de variété sur la forme au fil du jeu, je dois avouer que c’est surtout le gameplay qui m’a fait passer un très mauvais moment sur ce RONIN. Au-delà de tous les autres points qu’il faudrait retravailler, je persiste à dire qu’en l’état, ce gameplay foireux fait de RONIN un jeu à éviter.
Comprenez-moi, je suis le premier à défendre les projets indépendants quels qu’ils soient, à fortiori quand ils sont un tant soit peu originaux. Mais je ne peux m’empêcher ici de penser que l’implantation du tour par tour est une très mauvaise idée. Pour résumer, sachez que, contrairement à ce que l’on pourrait tous penser de prime abord, RONIN n’est absolument pas un jeu basé sur l’infiltration. Il est aisé de se méprendre à son sujet, et j’avoue avoir été quelque peu trompé par les premières images du jeu. Au final c’est bel et bien un jeu d’action plus ou moins tactique qui ne laisse que très peu de place à la réflexion. Le problème, c’est que lorsque vous êtes repéré en pleine mission (et autant vous dire que ça arrive quasiment à chaque fois puisque le jeu l’impose), vous ferez face à des ennemis redoutables. Ils ne sont pas bien effrayants, oh non, mais vous tueront en un coup si vous n’assimilez pas le gameplay du jeu en quelques minutes. Concrètement, dès lors qu’un adversaire vous a entendu, vu, ou est carrément en train de vous viser avec son pistolet 357 Magnum (alors même que vous n’êtes pas encore entré dans la pièce), le système de combat au tour par tour s’enclenche. Le véritable dilemme provient du fait que vous ne pouvez pas bouger avec le stick gauche comme vous pouviez le faire quelques secondes auparavant (avant que l’on vous repère). Non madame, une fois entré en mode combat, vous ne pouvez plus vous déplacer qu’à l’aide du stick droit. Ce dernier étant réservé aux sauts de ninja, je vous laisse imaginer les pas de danse que vous allez devoir effectuer pour vous en sortir. La problématique vient aussi et surtout du fait que le tout est très aléatoire. Parfois vous sauterez n’importe comment (la gestion des sauts est tout simplement catastrophique) et vous vous en sortirez indemne. A contrario, parfois vous passerez 5 bonnes minutes à élaborer une tactique ingénieuse (saut derrière l’ennemi, coup de katana, puis rebond sur un deuxième mur afin d’abattre son collègue…) pour finalement vous voir mourir bêtement car : soit le jeu a très mal pris en compte votre saut et l’a exécuté d’une manière que l’on qualifiera de folklorique, soit votre tactique s’est parfaitement exécutée mais le jeu a décidé que les ennemis étaient invincibles et / ou avaient quatre paire d’yeux dans le dos… Frustration, quand tu nous tiens !
J’ai donc tenu pour ma part un peu plus de trois heures dans ce joyeux bazar, en recommençant un nombre incalculable de fois certaines missions pourtant d’apparence très simples. Je rappelle également que mon test est basé sur la version finale du jeu qui m’a été gracieusement fournie par l’éditeur Devolver Digital. Je ne saurais dire dans quel état de nerfs je serais probablement à l’heure actuelle si j’avais dû payer ce RONIN. A vous de voir, désormais, si votre patience supportera ce gameplay plus que fastidieux (le viseur permettant de sauter -théoriquement là où on le veut- est notamment l’un des pires jamais vus dans un jeu vidéo). Pour ma part je ne suis que déception. J’attendais sincèrement ce titre comme un nouveau ténor du genre. Fan de 2D, de jeux retro, et d’ambiance très ninja dans l’âme, je me devais d’essayer ce tout nouveau projet. Manque de chance (et de travail), on ne peut pas dire que celui-ci entrera dans la catégorie des perles indépendantes signées Devolver. En espérant que les développeurs du jeu redoubleront d’efforts pour nous proposer quelque chose de plus léché la prochaine fois. Il est juste triste de lire que si le jeu a d’abord vu le jour en early access, c’était bien évidemment afin d’écouter les critiques des joueurs et ainsi proposer une expérience quasi-parfaite dans la version finale… Encore une preuve que ce mode de fonctionnement reste encore aujourd’hui très imparfait.