Depuis sa sortie en novembre 2013, la PlayStation 4 ne cesse de se faire remarquer par le biais de jeux indépendants tous plus intrigants les uns que les autres. Il y a ceux qui sont mondialement connus pour leur difficulté, tels Hotline Miami, Titan Souls ou encore Rogue Legacy. On y trouve également des indies d’une poésie rarement atteinte, tels Entwined et Journey. Sans parler des petites perles que sont Axiom Verge, White Night ou encore Retro City Rampage DX. Et puis, il y a les autres… Ceux que l’on ne comprend pas toujours très bien, à mi-chemin entre la parodie et le délire involontaire. Ceux qui se font critiquer à tort et à travers sur les forums des plus gros sites de jeux vidéo, sous prétexte que le but dudit jeu est trop original. Pourtant, croyez-moi, il serait fort dommage de passer à côté de jeux tels que Surgeon Simulator ou encore Octodad. Mais pour l’heure, accueillons un petit nouveau dans cet univers si particulier des jeux complètement What The Fuck.
Hatoful Boyfriend, puisque c’est son nom, est un jeu qui avait su faire beaucoup parler de lui à sa sortie PC. Disponible depuis l’été 2014 sur Steam, ce projet avait, il faut bien le dire, toutes les cartes en main pour attirer le regard des curieux. Ainsi, des YouTubers connus tels que PewdiePie en ont réalisé des let’s play sur le net, boostant encore un peu plus la popularité grandissante du soft. Mais qu’en est-il réellement ? En quoi consiste ce jeu au nom si atypique qui débarque aujourd’hui sur PlayStation 4 et PlayStation Vita (cross-buy et cross-play) ? Eh bien en théorie c’est très simple. Hatoful Boyfriend est un visual novel (comprenez par là un roman graphique) dans lequel vous incarnez une jeune fille dont vous choisirez vous-même le prénom et le nom. Vous êtes élève dans la prestigieuse école nommée St. Pigeonation, qui est un peu l’équivalent de l’université d’Harvard… pour les pigeons ! Oui car ce qui rend cocasse le synopsis du jeu est sans aucun doute le fait que vous soyez la seule humaine dans ce lycée pour oiseaux. Ai-je mentionné le fait que votre but ultime sera de tomber amoureuse de l’une de ces bestioles ? Je vous vois déjà faire de grands yeux en vous demandant comment un tel soft peut exister. La drogue, vous dites ? Sans aucun doute. Mais pire que tout, je dirais : JAPOOOOOOON ! Avouez que cela n’a au final rien de réellement étonnant quand on connait la capacité de nos amis nippons à réaliser des oeuvres toujours plus originales. Preuve en est le nouveau projet de Swery 65, par exemple. Quoiqu’il en soit, Hatoful Boyfriend est donc un jeu où l’on passe son temps à lire des textes qui défilent. Il vous faudra donc être, au choix, habitué de ce genre de titres, ou très curieux de découvrir un genre peu conventionnel en Europe. La super bonne nouvelle (et c’est rien de le dire), c’est que cette version Sony est intégralement en français ! Un ajout absolument indispensable (en plus d’être inespéré) car cela poussera sans doute un maximum de gens à s’intéresser au titre. Pour ne rien gâcher, sachez que les textes sont également disponibles en anglais, en japonais, en italien, en espagnol, et en allemand, rien que ça ! Les voix, elles, sont inexistantes. Aucun souci à ce niveau-là, donc. On notera que si l’ajout de la langue de Molière est appréciable, c’est aussi et surtout dû au fait que la version PC, elle, est intégralement en anglais. Avis aux amateurs, donc.
Concrètement, le système de jeu est d’une simplicité enfantine. Vous lisez les textes s’affichant à l’écran tout en profitant des musiques un peu étranges qui tournent en fond sonore. De temps à autre vous aurez des choix à faire. Parfois basiques, parfois très importants. Par exemple, il vous faudra dès les premiers instants du jeu choisir quels cours vous allez suivre (mathématiques, gymnastique, musique), ou encore quel club vous allez bien pouvoir rejoindre durant votre année scolaire (athlétisme, bibliothèque…). Une vraie vie de lycéenne en somme. Mais le jeu ne s’arrête pas là. En effet, il vous faudra sans cesse réfléchir à la manière dont vous allez pouvoir faire connaissance avec vos camarades pigeons (et à fortiori vous rapprocher d’eux). Ainsi, selon vos choix de dialogues et vos choix moraux, vous pourrez sans souci tomber amoureuse d’une femelle moineau ou encore désirer sexuellement votre prof de maths… Rien de plus normal, n’est-ce pas ? Le souci, c’est qu’on ne sait jamais vraiment ce que l’on est en train de faire. Comprenez par là que le jeu vous donne si peu de choix à faire que vous prendrez parfois (voire souvent) des décisions par dépit, causant ainsi un effet boule de neige que vous n’aviez pas vu venir (et que vous ne désiriez absolument pas). J’ai pour ma part été extrêmement surpris de mourir dès ma première partie (ce qui est un exploit en soi dans un visual novel, comprenons-nous bien !) sous prétexte que je n’avais pas assez tissé de liens avec mes camarades de classe. En plus d’être un non-sens total, cette répercussion est, disons-le, d’une incroyable stupidité. En quoi le fait de jouer au jeu de façon banale (sans harceler les autres pigeons avec mes questions et autres dialogues futiles) nous amènerait-il systématiquement à un écran de game over, nous poussant de fait à tout recommencer depuis le début ? Sans parler de ma deuxième partie, durant laquelle Georgette Bézette (c’est l’identité que j’ai bien voulu donner à mon héroïne) a fini par tomber éperdument amoureuse d’un vieux prof narcoleptique… J’avais pourtant bien fait attention à aller vers tout le monde, sans pour autant me rapprocher de qui que ce soit de manière sentimentale. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant débarquer, après cette scène à peine croyable sortie d’un film de Woody Allen, le générique de fin du jeu ! J’avais joué en tout et pour tout 90 minutes dans cette deuxième partie (la première s’étant soldée par une mort atroce, souvenez-vous).
Et c’est bien là que le bât blesse. Bien que le jeu possède 14 fins différentes et tout un tas de trophées PSN à débloquer (incluant un trophée Platine), il ne vous faudra, à chaque fois, pas plus d’une à deux heures de jeu pour voir arriver ce fameux générique. Sans compter qu’il vous faudra vous armer d’un sacré paquet de motivation, car vous devrez bien entendu tout recommencer à chaque tentative. A vous, ensuite, de répondre différemment aux questions posées durant vos sessions de jeu, influant ainsi sur le cours de l’histoire. En procédant de cette manière, vous aurez tout le loisir d’en apprendre bien plus sur les élèves et le corps enseignant de St. Pigeonation, tandis que le jeu s’amusera à vous faire rire, vous faire pleurer, ou encore vous effrayer (croyez-moi, vous ne sortirez pas indemne de certaines scénettes !). Vous l’aurez compris, malgré son originalité débordante et ses bonnes idées de départ, Hatoful Boyfriend est au final un visual novel tout ce qu’il y a de plus classique en ce qui concerne sa construction. Bien sûr, l’intrigue se veut prenante et l’on se demande souvent ce que va bien pouvoir donner tel ou tel choix que l’on aura fait dans l’aventure. Pour autant, je retiens, pour ma part, le fait que le jeu est vendu 9.99 € (7.99 € pour les abonnés PlayStation Plus) et que les joueurs lambda le lâcheront après avoir vu la fin pour la première (voire la deuxième) fois. Qui sera suffisamment motivé pour tenter les 14 fins alors que le jeu en lui-même ne propose que de très rares variations textuelles ? On notera d’ailleurs que le soft pèse un peu plus de 2 Go dans cette version PlayStation 4. Un poids tout à fait étrange au vu des caractéristiques purement visuelles et techniques du jeu. Gageons que cette taille est due aux différents packs de langues mentionnés plus haut. Alors en attendant la suite de cet opus, d’ores et déjà prévue sur PlayStation 4 pour l’automne 2015, qu’en pensez-vous ? Avez-vous les nerfs assez solides pour prendre cette héroïne humaine sous votre aile sans vous faire plumer ? Retenez simplement que le slogan officiel du jeu est le suivant : « Un jeu fait par des pigeons, pour des pigeons ». Ça ne s’invente pas !